Lundi 18 février, c'est parti! Jerem, Mathieu Peru et moi commençons le portage. Le départ se fait de Freydières. Mais une hivernale, ça commence par un gros sac et la face nord du grand pic, ben faut aller la chercher! Au bout de 700m de dénivelé, les épaules ruinées et avec le grand beau annoncé par météo france qui est plutôt discret en cette matinée, on se dit qu'il vaut mieux réfléchir! "Les gars, on n'a pas vu la face, ça se trouve elle est vraiment pas grimpable, on pensait arriver au pied à midi, on va y arriver à 17h avec ce rythme, en ayant pris tarif au passage, du coup on n'aura pas assez de bouffe... bref, on s'y prend mal". On décide de planquer le matos puis d'y aller en mode light pour voir enfin cette face de près et pour être sûr que ça vaille le coup. Là on s'apperçoit que l'approche est vraiment interminable et qu'il nous faudra des âmes généreuses pour nous aider pour le portage! On arrive au col de Freydane, et là "cool, la face à l'air parfaite, sèche dans les parties raides", "ça va le faire!" Décision est prise de monter mercredi avec tout le matos, ça laisse le temps de trouver du monde pour nous aider, nous on pourra se reposer, parce qu'au final, on s'est mis quand même une journée à 2000m de dénivelé et quelques km de plat! Pas mal pour quelqu'un qui voulait faire autre chose que du ski de rando!
Mardi 19 février, on est remonté comme des pendules, et bouillant comme la braise, on va en découdre avec cette face! Mais le soir, mauvaise nouvelle, Mathieu s'est fait un genou, il ne sera pas de la partie, merde! Bon tant pis on y va quand même! Jerem a trouvé deux potes qui nous aiderons pour le portage, Mathieu (un autre!) et Valentin, un grand merci pour leur aide!
Mercredi 20 février, 7h, parking de Freydières, une impression de déjà vu... sauf que là les sacs sont légers et que les 700 premiers mètres de déniv sont vite avalés. Bonne nouvelle, notre matos est toujours là, on charge les sacs, et soudain, ce n'est plus la même musique. Heureusement que nous sommes quatre, parce qu'à deux, c'est sûr, on aurait abdiqué! On met quand même nos 5h bien tassées pour retrouver le col de Freydane, tout va bien, oui mais... Depuis ce matin, les crêtes fument plutôt pas mal, et au col de la Pra, on se fait cueillir par des rafales, désagréable! Du col, on voit qu'une plaque est partie au niveau de la rimaye du glacier, "tiens, lundi y avait pas ça!". On descend quand même au pied de la face, on se fait une petite coupe de neige histoire de voir si y a pas une sous couche pourrie et traiteresse, mais non, à l'endroit de la coupe, le manteau est très homogène, tout en grains fins sur au moins 1,5m. (mais ça n'est malheureusement pas du tout représentatif de ce qu'il peut y avoir aux alentours...). On regarde les deux névés suspendus qu'il faudra passer pour atteindre la partie grimpante, et là les questions se posent: plusieurs indices sont au rouge, y a eu du vent, c'est en face nord, une plaque est déjà partie plus bas, et si on tente et qu'une plaque part, c'est sûr, ça se passera mal pour nous avec les deux barres rocheuses que nous sauterons... C'est là que les décisions de renoncement sont les plus rudes: on a très envie de s'y jeter, le portage est fait, il fait grand beau, la face est magnifique...On décide quand même de passer le petit mixte qui défend l'accès au premier névé pour aller voir de quoi il est fait, comme ça on aura pris toutes les infos possibles (en minimisant notre expo) avant de décider. Au dessus de la rimaye, la neige est top, soudain lueur d'espoir, "ça va le faire", mais plus je monte, plus je pédale dans la semoule et au premier névé, je gratte et je m'apperçois que je suis sur plus d'un mètre de gobelets. Heureusement, il n'y a pas d'autre couche par dessus, en tout cas où je me trouve, mais plus haut, qu'en est il? Y a eu du vent, bordel si jamais il a transporté de la neige sur ces gobelets plus haut, je vais me retrouver sur un champ de mines! Et m... faut-il être sage, renoncer après tous les efforts qu'on a fait? Où est-ce qu'on tente et inch'allah? C'est là que le "facteur humain" est le plus redoutable, car c'est clair, objectivement, tous les indices de terrain sont au rouge, mais quand on est mort de faim et qu'on veut y aller absolument, dur d'être objectif! C'est là que la cordée est importante, car on peut discuter avec une autre personne et non qu'avec sa conscience qui peut être traître! On prend finalement (et heureusement) la bonne solution, qui est bien sûr de ne pas y aller, mais inévitablement le remord, le questionnement ("on n'a pas été assez gonflé, ça se trouve ça serait passé,...) nous assaillent. C'est dur et cruel ce genre de but, car on ne pourra jamais savoir si ça l'aurait fait ou non, le problème c'est que lorsqu'on est sûr que ça ne le fait pas, c'est que la plaque est partie et nous avec...
La descente fut un grand moment de ski avec les sacs de mulets sur le dos dans une neige croûtée...
Au final, cette semaine qui se voulait dédiée à la grimpe a été riche en dénivelé à ski, j'en ai encore plus fait que pendant le stage à l'ENSA!
C'est compliqué une hivernale!!!
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